« Si tu me quittais, je serai tellement malheureuse, que tu ne pourras être heureuse »
Vingt trois heures. Vendredi soir. En temps normal, je ne serai pas accroupie devant mon lit, la tête enfouie dans mes bras, les yeux fermés et tout ça, dans le noir. Mon d'accord, ces trucs morbides, ce sont mes trucs, mes habitudes. Je suis glauque, incompréhensible, mystérieuse, indiscernable, inaccessible. Mais c'est ce qui fait mon charme également. Vous aurez beau essayer, rien n'y fera, je reste dans mon monde, que je suis la seule à comprendre. Après tout, c'est moi qui les créé. Je suis une accumulation de maladies psychologiques à moi toute seule. Je suis une garce, manipulatrice et sans cœur, qui peut vous détruire sans aucun scrupules. Je suis votre pire cauchemar. Effrayant hein ? Et non, ne vous entêtez pas, ce n'est pas une blague. C'est moi. Je vis dans un monde où la noirceur et l'obscurité règnent. Je suis ce que vous voulez à tout prix éviter, oublier et effacer. Je suis l'usure de la vie. Le cœur brisé de l'espoir. L'enfer du bonheur. L'ange déchue qui prend un énorme plaisir à semer le trouble entre ceux qui sont à peu prêt stable émotionnellement. Le diable ? Moi ? Attention, je prends ça comme une insulte. Le diable n'est qu'un amateur face à moi. Il n'est que la construction et la description des croyants qui déposent leurs craintes, défauts et pêchers dans un esprit contraire au "bien" telle leur définition. C'est pathétique non ? Enfin bref, l'humanité à elle toute seule est ridicule et dénuée de sens.

Ouvrant lentement mes yeux légèrement humides et le noir coulant jusqu'à mes joues. Oh non, je n'avais pas pleuré. C'était une de mes nombreuses crises de colère. Ah oui, je vous avez bien dit que je n'étais pas stable. Mes pieds nus se frottaient au débris de verre du vase que j'avais violemment jeter sur le sol de ma chambre. Après avoir enfoncé mon poing dans le grand miroir, défoncé mon dressing dont les cintres décoraient dramatiquement le reste de ma moquette. Mes longs cheveux châtains dont l'odeur âcre de vanille se propageait, s'étaient déposés sur mes épaules nues. Je venais de me lever. J'avais ce besoin violent de sortir. J'étais habillée d'un short en jean, d'un débardeur crème avec un gilet en laine qui glissait de mes épaules. J'essuyais mes yeux d'un revers de ma manche et j'étais sortie de chez moi tout en attrapant mon paquet de clope. J'étais passé par le salon où Annabelle était là. Je lui fit signe de la tête pour la prévenir que je sortais. Je savais qu'elle viendrait. Elle avait l'habitude de mes crises. J'avais l'habitude des siennes. Une règle d'or : ne jamais intercepter l'autre. On savait toutes les deux que l'ont pourrait se faire du mal et que c'était insoutenable. J'entendais ses pas derrière moi. On avait juste à sortir de notre balcon pour se trouver sur notre terrasse et dépasser celle-ci pour se retrouver les pieds dans le sable froid. Oui, nous étions en automne, il était évident qu'il faisait froid. Mais moi je ne ressentais pas la brise qui effleurait mes épaules. Je venais d'allumer une cigarette, lançant mon paquet à l'arrière pour qu'Annabelle puisse l'attraper et se servir. Quand on aime on en compte pas. Annabelle était toute ma vie. Ma seule raison de ne pas tout envoyer balader. Nous avions notre coin à nous, un tronc d'arbre qui était tombé il y a cinq ans. Je m'étais assise dessus, sentant les vagues gelés toucher mes pieds me donnant des frissons. Pour finir, j'avais tiré à plusieurs reprises sur ma cigarette.

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